Polémique Osaka : "Entre dans l'arène et tais-toi"

Crédits : Jimmie48 Photography

Tennis
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La 2ème joueuse mondiale, Naomi Osaka, s'est retirée de Roland-Garros après qu'on lui ai refusé de ne pas apparaître aux conférences de presse. Une véritable petite révolution dans le monde bien rangé du tennis, qui a pourtant l'avantage de révéler l'intransigeance parfois injuste des médias et du public envers les sportifs.

Naomi Osaka vient de passer sur le petit monde tout propre du 16ème arrondissement de Paris comme le cyclone Hugo est passé sur la Grande-Terre. Sa décision de ne pas apparaître dans les conférences de presse - qui font partie du protocole contractuel des tennismen du tournoi - puis de quitter les courts de Roland-Garros lorsque sa demande a été rejetée, a laissé les médias et le public ébourriffés et forts mécontents. 

"Entre dans l'arène et tais-toi"

Et pourtant, ce n'est pas par caprice que l'une des meilleures tenniswoman mondiale, a décidé de ne pas se plier aux exigences d'un tournoi de Grand Chelem. Sortant de sa réserve habituelle, elle a fait le choix de se mettre à nu en révélant son combat contre des phases de dépression depuis sa victoire à l'US Open 2018, qui l'a par ailleurs propulsé sur la scène médiatique. Mais rien n'y fait. Les critiques tombent comme des mangues mûres un jour de mai et personne ne semble vouloir lui accorder le droit de souffrir. Une attitude typique des observateurs du haut-niveau, selon David Suédois, préparateur et coach mental.

On ne se rendait pas compte, à quel point les jeux et le divertissement sont basés sur le plaisir du public et non sur la santé physique ou mentale des acteurs. C'est le cas depuis les arènes antiques. Les gladiateurs doivent délivrer du spectacle au prix de leur vie et c'est un peu la malédiction des sportifs qui sont là pour délivrer une performance pour le plaisir des organisateurs, des publicitaires, des médias et du public.

Alors, oui, c'est vrai qu'après tout, elle est payée pour participer à tout le cérémonial qui accompagne le sport. Mais cela n'en fait pas pour autant une spécialiste de la communication. Son truc à elle, c'est affronter les adversaires, raquette à la main... chose qu'elle fait plutôt bien. De plus, même si elle est préparée mentalement à affronter ces grands rendez-vous, la dépression reste une vraie pathologie qui demande un accompagnement profond et différent.

Je peux apprendre à un sportif à rester dans sa bulle de concentration. À faire semblant d'en sortir pour répondre aux médias et aux demandes puis à y revenir pour se préparer à son échéance. Mais cette préparation ne sera jamais efficace si le sportif est malade. Et je rappelle que la dépression est une maladie. - David Suédois

Entre les lois de l'arène et son avenir professionnel et personnel, Naomi Osaka a tranché, et plutôt vivement. Mais elle est jeune, déjà riche, et aura la capacité de se soigner, puis se reconcentrer pour mieux revenir. De leur côté, les organisateurs semblent avoir été frappés dans leur ego, mais le foin médiatique servira à réfreiner les envies de liberté des autres gladiateurs.

 Le facteur culturel

En dehors de l'aspect purement médiatique, il faut aussi se pencher sur l'aspect culturel et psychologique de Naomi Osaka. Par ses apparitions télévisées antérieures, elle a montré qu'elle était une jeune femme élevée dans le respect des valeurs japonaises. Elle est discrète, introvertie et mesure ses mots. L'honneur et la vérité sont pour elle - comme pour de nombreux Japonais -  des valeurs cardinales.

Quand on connaît la culture Japonaise, on sait qu'il y a un très grand respect de la parole donnée. De plus, le "non" est très mal vu. On essaie toujours d'accéder à une demande qui nous est formulée. Elle ne peut pas non plus mentir en cachant son état de santé réel. Dans le cas présent, elle dit un "non" ferme. Ce n'est pas un caprice, ni une humeur. - David Suédois

Dans tous les cas, le retrait de Naomi Osaka pourrait devenir un symptôme. Celui de la lassitude de certains joueurs, que deux saisons compliquées et éprouvantes ont permis de révéler. Leurs exploits ne les déconnectent pas des réalités humaines, mais en font certainement, les individus les plus fragiles d'entre nous... et pour paraphraser de très célèbres collègues créateurs de contenus... ça, tout le monde s'en fout.