Jérome Laporal : « J’aime ce sport, son challenge et ses valeurs »

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Qu’il y avait-il de plus improbable qu’un jeune gars originaire de la section La Treille, à Marie-Galante, se trouve être l’un des meilleurs éléments de l’équipe de France de Bobsleigh ? Sûrement sa qualification aux prochains Jeux Olympiques d’Hiver à Pékin. Et pourtant, ces deux improbabilités ont un nom : Jérôme Laporal. Entretien.

OSM : Comment s’est passé votre processus de qualification pour ces Jeux Olympiques d’Hiver au sein de la délégation Française de Bobsleigh ?

Jérôme Laporal : Il est clair que le long de cette sélection, j’ai encaissé beaucoup de pression. Il faut savoir que nous étions neuf pousseurs à prétendre à la sélection pour quatre places disponibles. Il y allait donc avoir cinq déçus, dans une équipe où le niveau est très élevé. Du coup, très tôt, dès avril 2021, en parallèle de mon école de police, j’ai mis en place une grosse préparation physique que j’ai commencée chez moi à Marie-Galante jusqu’en juillet. La stratégie a porté ses fruits puisque j’ai été champion de France de poussée. Ensuite, j’ai passé des tests sur glace en Allemagne qui se sont révélés, là aussi très convaincants. Est venu ensuite les cinq étapes de coupe du monde. Mais au regard de mes très bons temps, j’étais déjà qualifié d’office pour l’équipe de France.

OSM : Une préparation à Marie-Galante ? C’est pour le moins inattendu, non ?

J.L. : Oui, ça peut paraître étrange, mais quand je suis chez moi, à Marie-Galante, je me sens bien. J’ai tous mes repères et c’est un vrai bonheur. Je suis revenu à ce moment-là car ça me paraissait idéal pour me plonger dans mes racines, revenir aux sources avec ma famille, et sur ma terre de naissance, le tout avant une énorme saison. J’ai besoin de cette énergie, surtout que je ne reviens qu’une fois par an.

OSM : Les Jeux Olympiques d’hiver ont un marqueur ethnique très fort, comment se passe l’intégration au sein de l’équipe de France ?

J.L. : En vérité, cela se passe très bien. Il y a eu, auparavant, quelques antillais qui sont passés par la case bobsleigh, mais dans mon cas l’adaptation a été facilitée par la présence d’un autre antillais, Dorian Hauterville dans la sélection. Il a vraiment à mes côtés le rôle de grand frère. Il me prodigue des conseils précieux pour progresser. Et c’est d’autant plus légitime qu’il est aussi passé par mon poste en 2018. Il en connait les exigences. Par ailleurs, l’ambiance est excellente au sein de l’équipe.

OSM : En quoi votre formation de sprinter est un atout dans votre conversion au poste de « breakman » ?

 J.L. : Ça m’a beaucoup aidé d’être sprinter, de venir de l’athlétisme. D’abord pour la qualité de course, explosivité, et la puissance, qui sont essentiels à mon poste. Mais en dehors de cela, il faut travailler une technique précise pour être efficace. Cette compétence, j’ai pu l’acquérir le long de mes stages d’été. Et c’est essentiel, car il faut savoir transmettre l’énergie au bobsleigh de manière optimale.

OSM : Si le staff technique des sports d’hiver va piocher chez les spinters, c’est qu’ils ont besoin d’un gain de puissance, pour autant, cette stratégie a-t-elle payé face à d’autres nations ?

J.L. : On peut dire aujourd’hui que nous arrivons à rivaliser avec les meilleurs. Pour l’instant, on va dire qu’ ils ont 1/10ème d’avance au temps sur nous. Cependant, notre équipage est assez atypique, car ça se joue aussi au poids de corps. Nous poussons un bob très lourd, dans lequel embarque un équipage assez léger, puisque seuls deux membres de l’équipe pèsent 100 kilos. Or, chez nos concurrents, l’équipage est lourd avec systématiquement des athlètes de 100 kilos. Ainsi, même si le chrono à l’arrivée est bon, nous faisons quand même la différence sur la glace au niveau de la vitesse de sortie qui est excellente et nous permet de rivaliser avec les autres nations

OSM : Ressentez-vous déjà la pression de ces jeux olympiques de Pékin ?

J.L. : Pour le moment, je suis dans une bonne dynamique, avec une bonne pression. Je suis en réalité impatient d’aller à Pékin et de commencer les premières descentes d’entraînement puis la compétition. Il faut savoir que pour moi c’est un privilège d’être le premier Marie-Galantais à participer aux J.O d’hiver. C’est, à mon sens, un message fort que je lance à la nation Marie-Galante. C’est une petite île dont on ne parle pas beaucoup, mais qui a un talent fou et il faut lui rendre justice.

OSM : Le sujet de la pandémie s’est déjà invité à Pékin, des doutes pèsent sur l’organisation, êtes-vous inquiet aussi, où vous mettez-vous dans une bulle en laissant ce sujet de côté ?

J.L. : Contrairement à mes autres camarades, j’ai eu la particularité dêtre positif, il y a deux mois en Lettonie. Cela m’accorde une certaine tranquillité d’esprit, en tout cas pour le moment. Cependant, je suis soumis à un protocole assez strict. Je dois réaliser un autotest tous les matins et je vis dans un relatif isolement. Et c’est dans mon intérêt car je ne voudrais pas voir mes chances de participer à ces J.O gâchées par un test positif. On sait que les Chinois sont extrêmement pointilleux sur la question. Donc toute l'équipe est soumise au même régime, pas de famille, ni de compagnes pour optimiser nos chances.

OSM : Vous avez déjà confié que votre première expérience en bobsleigh n'était pas un bon souvenir. Mais depuis, avez-vous développé un goût pour cette discipline ou représente-t-elle simplement un challenge ?

J.L. : (Rires) C’est clair qu’au début, après la première descente, je me suis demandé ce que je venais faire là ! Pourtant j’aime les sensations fortes… mais pas celles-là. Mais une fois passée cette première impression, c’est quand même un sport dont j’admire les valeurs. Le dépassement de soi, l’esprit d’équipe et la confiance en soi. De plus, j’ai des objectifs clairs à atteindre et des défis à relever. Ça me plaît. Ça parle au compétiteur qui est en moi.