Netball : récit d’un accouchement difficile

Crédit Photo : Alamy

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En 2019, quand le CrosGua officialise et présente aux éventuels partenaires le projet des Jeux de la Caraïbe, une inconnue se glisse à la liste des disciplines représentées. Ce sera sans doute la première fois que les Guadeloupéens entendront parler du Netball, avec en plus le défi de développer la discipline en un peu moins de deux ans. Alors à un peu plus de 40 jours de l’échéance, le netball guadeloupéen a-t-il été porté sur les fonts baptismaux ?

Le netball a beau être une discipline méconnue dans l’archipel, ce n’est pas pour autant un « nouveau sport », bien au contraire. Son existence remonte aux origines du basket-ball, inventé par le Canadien James Naismith. Pour autant, les deux disciplines évoluent différemment, notamment en raison de l’augmentation de la pratique féminine et de l’interprétation qui en sera faite, par la suite par les Américains notamment. Alors que le basket-ball poursuit son chemin et se standardise, le netball, lui aussi se spécialise de manière à permettre une pratique presque exclusivement féminine. Les joueuses interviennent à des postes précis, le ballon circule dans l’équipe par lancers et sans dribbles, et l’objectif est de le faire passer dans un panier disposé en hauteur sur un poteau (très différent du panier de basket).

La Guadeloupe à la découverte du netball

Le challenge est de taille. Non seulement il faut installer une discipline pour laquelle le département ne dispose d’aucune infrastructure, mais en plus il faut pouvoir présenter dans un délai de deux ans, une équipe U23 compétitive. Et comme si ce n’était pas assez, il faut le faire en pleine crise sanitaire. Mais l’équipe en charge du développement de la discipline ne s’est pas démobilisé.

« Nous avons créé l’association en pleine crise sanitaire, mais nous avons pris l’engagement de continuer à travailler de toutes les manières possibles. C’est pour cela qu’aujourd’hui, nous sommes en mesure de présenter une vingtaine de filles réparties dans les catégories U15 à U23, en sachant que ce sont les U23 qui sont concernées par les Jeux de la Caraïbe. » explique Suzanne Augustine, présidente de la Guadeloupe Netball Association.

En plus de ces sélections, l’association peut compter sur une équipe senior composée essentiellement de filles originaires de l’île de la Dominique.

Pour recruter au local, l’association a usé des vieux rouages. Elle est d’abord allée voir d’anciennes basketteuses démobilisées par l’arrêt de la saison de basket (déjà draguées par le 3x3 d’ailleurs), mais elle a aussi opté sur la diaspora anglophone présente dans le département.

« Nous sommes allés les voir et nous leur avons présenté le projet. Par chance, elles ont toutes adhéré et c’est normal puisqu’elles connaissent bien ce sport et ce faisaient une joie de le pratiquer dans leur pays d’adoption. »

Mais encore fallait-il pouvoir leur offrir un lieu d’expression. Là encore, l’association fait preuve de débrouillardise en se positionnant sur les terrains de basket en extérieur pour lesquels l’occupation est moins problématique dans ceux mis à disposition dans les gymnases.

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L’association poussée par la Caraïbe...

Toutes ses évolutions en milieu contraint ont été notamment possible grâce au volontarisme incroyable de la The Americas Federation of Netball Associations (AFNA). Aussitôt née, l’association Guadeloupéenne est tombée dans son giron en brûlant les étapes normales d’une adhésion. L’objectif pour l’organisme caribéen étant de fournir un kit de développement clé en main, avec un focus particulier sur la formation des officiels et des arbitres.

« La présidente (Marva Bernard) nous a vraiment accompagné de bout en bout, et particulièrement sur le plan financier car l’association était évidemment sans aucune ressource. Pourtant, nous avons eu droit à des formations gratuites pour les arbitres, alors que normalement, dans ce processus, rien n’est gratuit. Mais elle voulait tellement que le sport se développe, qu’elle nous a accompagné financièrement. »

L'AFNA met les petits plats dans les grands avec la mise à disposition d’un secrétariat et d’un service de comptabilité. Ce déploiement de moyens répond à l’ambition d’une stratégie visant à augmenter l’occurrence des championnats inter-caribéens et l’implantation de la discipline dans les pays de l’arc en misant sur la vitrine des Jeux de la Caraïbe.

... lâchée sur le plan local

Malgré le chemin parcouru, le défi est loin d’être relevé. La Guadeloupe sera certes en mesure de présenter une équipe, mais elle n’en connaît pas encore le niveau. D’autre part, le développement s’appuyait sur l’expérience de deux disciplines fortes localement : basket et handball. Or, pour le moment, l’association n’a pas encore pu profiter de la seconde. Enfin, le volontarisme des institutions caribéenne ne fait que mettre en exergue l’inertie des politiques locales. Pas une subvention, pas un rapprochement ne serait-ce que conventionnel, en dehors de la mairie du Gosier qui a accordé un accès facilité à ses installations sportives.

« Nous avons été accompagnés sur le plan formel, mais il manque encore les terrains officiels de Netball avec les bons paniers qui représentent un investissement lourd pour l’association ou même l'AFNA ne peut réaliser. On nous a fourni le matériel de 1ère nécessité, mais ce n’était que le starter pack. Tout reste à faire. »

La présidente reste lucide. Dans ce cadre, la défection de la Région du pool des partenaires des Jeux de la Caraïbe est analysée comme un signal négatif au développement futur de la discipline.

« Les Jeux ne sont pas le seul objectif, cette belle discipline doit perdurer et s’installer. J’ai une expérience dans le développement du cricket et je vois bien à quel point ces disciplines sont des vecteurs financiers pour leurs pays. Ce retrait est une erreur. Ne pas développer le netball après les Jeux, c’est une erreur, on se prive de liens avec la Caraïbe, de futurs événements sportifs. Nous avons une force que nous mettons délibérément de côté. »

À peine né, le netball se frotte déjà aux limites de la politique sportive. Pour survivre, il devra faire comme les autres : la preuve par l’expérience. Ce sont les résultats des filles qui détermineront de l’avenir de la discipline en Guadeloupe. Le 1er test ce sera du 23 au 29 mai prochains pour une rencontre qui opposera les opposera à la sélection de la Dominique.