Sacha Daunar voit large

Crédits : OSM

Voile
Typography
  • Smaller Small Medium Big Bigger
  • Default Helvetica Segoe Georgia Times

Il est, avec Keni Piperol, l’un des rookies Guadeloupéens de cette édition de la Route du Rhum. Mais cela ne veut pas dire pour autant que Sacha Daunar est un marin du dimanche. Celui qui, par ailleurs, a occupé un temps la présidence de la ligue guadeloupéenne de voile (LGV), a un CV nautique bien rempli. Rencontre.

Offensive Sport Mag’ : Ceux qui suivent un peu la voile traditionnelle, vous connaissent en tant qu’équipier. Mais ça fait un moment que vous écumez la mer des Caraïbes. Comment est né votre amour de la navigation ?

Sacha Daunar : Mon histoire avec la mer commence justement avec ma mère. C’est elle qui faisait de la navigation et qui a initié à cela d’abord mon père puis mes frères et moi. J’ai donc commencé à quatre ans, sur les petits supports de la voile classique, en Martinique où je suis né, avant de basculer vers 10/11 ans sur des plus gros formats avec mon père à l’époque. En 2005/2006, je prends réellement mon envol en étant skipper en équipage et c’était assez fou parce la moyenne d’âge à bord c’était 17 ans. Une bande de jeunes à qui on a fait confiance pour partir en mer et avec réussite d’ailleurs puisque nous avons eu des victoires sur le tour de la Martinique mais aussi sur d’autres compétitions des îles anglophones comme Sainte-Lucie. À partir de là, j’ai continué à performer dans ce monde jusqu’à avoir un beau palmarès en 2019/2020/2022 malgré la période Covid qui a freiné pas mal de choses.

Offensive Sport Mag’ : Après tant d’années dans la Caraïbe, vous sentiez qu’il fallait passer à autre chose ?

 S.D. : C’est un peu ça. Quand je fais le point, je me suis rendu compte que j’avais fait le tour des compétitions dans la Caraïbe en voile habitable. Et l’étape d’après, c’est clairement l’Atlantique, d’autant que ça répondait à des envies de large très fortes qui me taraudaient depuis longtemps. Et ce genre de sensation est très puissant. Du coup, quand l’association Clipper a eu la chance de récupérer le Class40 Enjoy Racing, il était clair que ce n’était pas un bateau pour tourner autour des îles mais pour faire des longues distances et du large.

Pendant le confinement l’idée de la Jacques Vabre a germé, puis celle de la Route du Rhum.Et je n’ai pas hésité à foncer pour concrétiser ces projets.

Offensive Sport Mag’ : C’est toutefois un grand changement. Vous avez beaucoup évolué en équipage. Là, vous serez seul. Comment l’appréhendez-vous ?

 S.D. : Je suis seul sur le bateau, c’est vrai. Mais, en réalité, on n’est jamais vraiment tout seul. Aujourd’hui on dispose de moyens de communication modernes qui permettent d’échanger avec l’équipe à terre ou avec la direction de course. On est seul juste pour faire les manœuvres et régler son cap. Et puis, il y a autour des gens qui apportent au fur et à mesure leur pierre à l’édifice, un sponsor, un coup de main... Pour tout vous dire, même quand j’ai fait ma qualification entre les Açores et Belle-Île, on m’envoyait des messages pour savoir si tout allait bien. Je me sens très soutenu et très entouré.

Offensive Sport Mag’ : D’ailleurs comment s’est passé cette qualification ?

S.D. : Ca s’est passé en deux temps. D’abord, nous sommes partis en équipage avec des amis pour aller jusqu’aux Açores. J’ai rarement vécu une traversée aussi belle. Elle a duré 13 jours avec des conditions parfaites. Alors qu’on a l’image d’un océan Atlantique très agité, il peut parfois aussi être un vrai lac et c’est exactement ce que nous avons vécu. En revanche, la qualification même, pour aller à Belle-Île était moins agréable.

En fait, les fichiers météo ne correspondaient pas à la réalité du terrain. Il était prévu que je parte des Açores avec 15/20 nœuds de vent, il s’avère que j’ai eu 25/45 nœuds pendant deux jours. Mais en plus, à 3 jours d’arriver en Bretagne, je me suis retrouvé dans une configuration particulière. Il y avait l’anti-cyclone qui tourne dans le sens des aiguilles d’une montre, et une dépression au sud de l’Islande qui tourne dans le sens anti-horaire. Les deux se sont rencontrés pour un effet particulier qui m’a fait vivre deux jours à 65 nœuds et 12m de creux ! C’était un bel entraînement pour le départ de la Route du Rhum. C’était ma première fois dans de telles conditions et je me sentais tout petit. Mais il y a du positif, car rien n’a cassé sur le bateau et ça me permet de me dire que je peux m’adapter à ce type de conditions. Si on a le même départ qu’il y a 4 ans, je n’irai pas au casse-pipe, mais j’irai affronter le mauvais temps.

Offensive Sport Mag’ : Pour quelle cause vous êtes-vous engagé cette année ?

 S.D. : Il me tenait vraiment à cause de mettre en lumière l’autisme. C’est un sujet encore beaucoup trop tabou. De plus, dans une autre vie, j’ai fait du théâtre et la présidente de l’association défendait cette cause. Depuis, nous avons fait une sortie sur le bateau avec des personnes autistes et c’était vraiment un moment magique.

J’ai aussi à mes côtés le SERAC qui œuvre pour faire entendre la voix des personnes malentendantes et enfin l’association « Les Képis Pescalunes » qui vient en aide aux enfants malades et orphelins en milieu de gendarmerie. Ici, c’est un clin d’œil à la secrétaire de mon association qui évolue dans la gendarmerie. C’est vrai que l’océan peut être effrayant, mais il est aussi vecteur de tant de magie et de belles émotions que c’est un honneur pour moi de faire partager cela à des publics qui en sont loins. Les Képis Pescalunes ont pour slogan « Rêvons nos vies, vivons nos rêves » et le slogan de mon bateau c’est « Rêve ton bateau, ajuste tes voiles, partage ta passion ». Tout fait sens à mes yeux.

Offensive Sport Mag’ : Quelles sont vos sensations à bord du bateau et avez-vous un objectif de temps ?

S.D. : Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce bateau à une âme. Je l’ai tout de suite ressenti un fois à la barre. Et puis, il est sain, il a quatre Route du Rhum à son actif et le dernier skipper à l’avoir manœuvrer c’était Nicolas Lemarchand. C’est un monocoque de 12m18, 4m40 de large, baptisé Cit’Hotel Région Guadeloupe. Quant à mon objectif de temps, le départ étant le 6 novembre et mon anniversaire le 25, j’espère arriver soit avant soit le jour de mon anniversaire en sachant qu’ils tablent l’arrivée des premiers Class40 entre 13 et 17 jours.