La galère insoutenable des clubs pointois

Crédits Photo : OSM

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 Le 3 octobre dernier, le site du Hall des Sports fermait ses portes pour une durée (incertaine) estimée à trois mois selon la municipalité. Depuis, ce sont sept associations sportives qui se retrouvent à tenir leurs créneaux horaires dans des conditions plus que compliquées.

17h30, complexe sportif de la plaine Grand-Camp. On peut à peine rester sur debout. L’air sent bon la citronnelle. Les parents qui arrivent pour déposer leurs enfants au cours de judo, les arrosent copieusement d’anti-moustique et ceux qui ont oublié sont condamnés à bouger sans cesse pour échapper à la ténacité des yenyens. Les instructeurs eux, n’ont pas le temps de sentir les moustiques. Voilà 20 minutes qu’ils s’affairent à monter le tatami prêté exceptionnellement par la ligue. Plusieurs dizaines de dalles à monter et démonter après chaque cours. Tout le monde met la main à la patte, parents, licenciés, encadrement. Il faut limiter le retard pris par le cours.

Cela fait plus de deux semaines que ce manège dure. Et il est épuisant pour tout le monde. Les parents, fidèles au club, tentent de relativiser.

« Au moins, nos enfants peuvent continuer à pratiquer la discipline, nous sommes chanceux ! Et puis, la relocalisation reste sur la zone pointoise, parce qu’ailleurs, ça aurait été difficile pour nous de réorganiser nos horaires pour suivre le cours. À 10 minutes près, ce n’est pas la même circulation et pas le même programme. » soupire une mère.

Et puis, le mardi, au moins, le judo est seul à occuper ce préau. Sur d’autres créneaux, il doit partager l’espace avec le CDEP qui installe comme il peut quelques pistes pour entraîner ses tireurs, créant une scène incroyable ou escrime et judo cohabitent dans à peine plus de 120 m2.

« C’est très compliqué, les enfants, entendent les instructions du judo, donc ils ne sont pas concentrés et du côté du judo, les jeunes entendent les armes s’entrechoquer et ne suivent plus leur séance. Quand les judokas ont fini, ils passent sur les pistes pour ranger, alors que nous tirons avec du matériel électrique… non c’est vraiment très compliqué » constate Bénédicte Lubeth, instructrice du club.

La ville aurait un moment envisagé de relocaliser les escrimeurs dans un local de Lacroix (Abymes), mais, il s’est avéré finalement impraticable.

« C’était un local sans fenêtres avec la clim en panne. Vous comprenez bien qu’il est impossible de pratiquer un sport dans ces conditions. Du coup, nous avons abandonné ou décalé des cours et on doit faire face à la colère des parents qui ne sont pas toujours compréhensifs et qui n’amènent plus leurs enfants. Après deux ans d’épidémie, on sortait un peu la tête de l’eau et là, ça nous tue… littéralement. » termine l’encadrante.

Le judo, lui a pu compter sur des parents engagés et pour le moment tient plutôt bien le choc.

« Ça nous arrive à un moment où les licences sont en forte augmentation. Cette rentrée ça redémarrait fort. On a déjà perdu quelques enfants, mais globalement, pour le moment, on tient bon. » tempère Jimmy Guillou responsable du Dojo Pointois.

Si l’escrime et le judo continuent tant bien que mal leurs activités, d’autres disciplines, elles, sont à l’arrêt quasi-total depuis la fermeture du CACEB.

Taekwondo et boxe K.O technique

Les deux clubs de taekwondo pointois eux sont pratiquement à l’arrêt. Ils ont bien tenté, un moment, l’aventure de la plaine Grand-Camp, mais ils ont rapidement renoncé. Trop d’associations sportives sur les mêmes créneaux occupaient les locaux. En effet, tel un goulot d’étranglement, les clubs tiennent tous leurs cours entre 17h et 20h30 en étalant successivement leurs catégories. Du coup, ils ont tenté un moment le terrain de football avant de laisser tomber.

« Nous n’avons pas pu résister. Trop de moustiques, impossibilité de monter correctement notre matériel, manque d’éclairage. Nous avons renoncé, et dans le mouvement perdu les quelques licenciés que nous avions réussi à séduire. » regrette Tony Berry.

 

Les coachs ont tenté d’occuper leurs licenciés en capitalisant sur la préparation physique sans être sûr que ça suffise. « Mais au moins on ne sentait pas les moustiques » ironise Tony. Et, pour couronner le tout, contrairement au judo et à l’escrime qui ont pu bénéficier d’une salle fermée sur place pour stocker le matériel, les encadrants du taekwondo sont obligés de le répartir et de le garder dans leur voiture personnelle.

 

Même ambiance du côté de l'haltérophilie et de la boxe, avec, la colère en plus.

« Je devais préparer le championnat de Guadeloupe avec mes gars, mais comment les motiver dans cette situation. Nous n’avons eu aucune proposition de relogement, et nos demandes restent lettre morte. Je le dis en toute franchise, c’est un manque de respect envers le sport pointois et les encadrants. Nous faisions un vrai travail de réinsertion avec nos jeunes. Il était reconnu que la pratique de la boxe leur donnait un cadre, une direction, les changeait. Maintenant, que fait-on ? C’est scandaleux ! » tempête Jean-Claude Piperol.

Les sports collectifs eux aussi sont touchés, notamment Pap Handball, un tout nouveau club de handball que le Hall des Sports était censé héberger.

« Nous nous sommes replié sur des solutions payantes, mais ce n’était pas compté dans notre budget primitif car on nous avait assuré l’occupation du Hall dans le cadre d’une convention entre les associations sportives et la ville. Désormais nous nous entraînons au CREPS et c’est payant et jouons à Fouillole qui est payant aussi. Ce n’était pas prévu. Mais nous voulons rester positifs. Il vaut mieux un hall fermé et remis aux normes qu’une infrastructure dangereuse pour les pratiquants. » tempère Laura Orfèvres, responsable du club.

L’enlisement de certaines associations sportives est d’autant plus incompréhensible que la municipalité a communiqué sur la possibilité de reloger ces disciplines dans des écoles. Mais, là encore la situation est pour le moins opaque.

Les écoles pas au courant

Lors de la conférence de presse du 7 octobre 2022, où le maire expliquait en détail, les raisons de la fermeture de l’ensemble du site du Hall des Sports, il avait aussi communiqué, par le biais de la Wyllen Saha, la responsable des affaires culturelles et sportives, sur la possibilité de relocaliser des disciplines dans les écoles primaires Léon Feix et Raymonde Bambuck.

Or, depuis, les directions de ces établissements n’ont eu aucune nouvelle de la mairie.

« J’ai bien entendu quelques rumeurs sur cette affaire, mais jusqu’à présent je n’en sais pas plus. Je n’ai pas été contacté, ni ai assisté à aucune réunion sur cela. Après, pour remettre les choses en place, le maire reste propriétaire des murs des écoles. Cela dit, il ne faut pas oublier que nous avons une convention avec le Ban-E-Lot qui occupe déjà nos terrains extérieurs pour les entraînements. Quant à la solution des salles, là encore, il faut bien choisir les créneaux, car depuis la dernière réforme, le nombre de nos classes a doublé, ce qui fait que nous n’avons plus d’espaces vides. Je veux bien coopérer mais il ne faut pas que l’organisation des élèves soit perturbée » explique Hélène Jasor, directrice de l’école Raymonde Bambuck.

Le son de cloche est similaire du côté de l’établissement Léon Feix, qui, lui a une convention avec l’As Vatable.

« Nous n’avons encore eu aucune nouvelle de la ville, mais ça risque d’être compliqué car, en plus de l’AS Vatable, nous avons des associations qui prennent en charge les élèves après les cours donc il faudra bien gérer les créneaux horaires afin qu’ils ne soient pas redondants et que tout le monde s’y retrouve. » complète Christian Francis, directeur de Léon Feix.

Alors que les problèmes logistiques s’accumulent, les clubs ont engagé une course contre-la-montre pour retenir leurs licenciés. Pour le moment, la mairie de Pointe-à-Pitre n’a pas donné suite à leurs doléances. Mais, il est difficile d’ignorer que, si la situation perdure, ne serait-ce que quelques semaines de plus, l’année de la reprise de la « vie normale » après deux années de pandémie, va signer aussi, le début de l’agonie du sport pointois.