Diego Milan Jimenez à l'USL ? Pas sûr...

Crédits R.S

Cyclisme
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Ce nom est très connu des passionnés de cyclisme en Guadeloupe. Cet espagnol, qui a pris la nationalité dominicaine en 2013, est un habitué du Tour de Guadeloupe, l’épreuve reine du calendrier cycliste. Cette saison, il aimerait rejoindre un club local et des tractations sont bien engagées à l’USL, à condition toutefois que le comité régional se résolve à valider sa licence.

Depuis plus de trois semaines, les échanges se multiplient entre l’USL, le comité régional des îles de Guadeloupe, la fédération de cyclisme de la République Dominicaine, et la fédération espagnole de cyclisme.

En cause, la venue de Diego Milan Jimenez en Guadeloupe, portant pour la première fois les couleurs d’un club local. Si on en croit les publications faites sur les réseaux sociaux, l'affaire est déjà bouclée, mais c'est un peu plus compliqué que cela.

Il faut bien dire que, depuis le changement réglementaire validé en 2022 par le comité, qui impose – entre autres – aux clubs la délivrance d’un contrat de travail ainsi qu’une autorisation spéciale tamponnée par le pays de naissance du coureur, les transferts sont devenus un peu plus techniques, notamment quand ils concernent les athlètes latino-américains.

Pourtant, grâce à sa nationalité espagnole, le coureur de l’Inteja aurait dû échapper à ces tracas administratifs. En effet, en 2013, quand le public Guadeloupéen fait connaissance avec ce courageux coureur cycliste, il court alors sous la bannière du Team Differdange du Luxembourg et vient d’obtenir la nationalité sportive de la République Dominicaine. Cela fait plusieurs années qu’il court à un niveau semi-professionnel, après avoir été un très gros espoir du cyclisme espagnol puisqu’il détient le titre de champion d’Espagne cadet (2001). Car, oui, Diego Milan Jimenez est espagnol, né dans la ville d’Almansa dans la région d’Albacete.

C’est un habitué des transferts entre clubs, et une fois l’accord logistique et économique trouvé avec l’USL, il envoie à la secrétaire du club son dossier complet (notamment papiers d’identité / licence UCI en cours de validité, tamponnée de la fédération espagnole de cyclisme) qui fait parvenir le tout au comité régional. Et d’un coup, tout s’arrête.

Espagnol ou Dominicain ?

C’est le président du comité, Frédéric Théobald, lui-même qui va signifier à Jacques Albina, président de l’USL, l’irrégularité supposée de la candidature de Diego Milan. La raison ? Il aurait une licence en cours de validité en République Dominicaine. Non, répond aussitôt l’intéressé.

« C’est faux, je n’ai aucune licence en cours en République Dominicaine. Depuis 2013, j’ai la double nationalité espagnole /dominicaine. Sur ma licence UCI il y a le code DOM, mais c’est en fait une autorisation spéciale de la fédération espagnole qui me permets de courir en dehors des frontières. J’ai été cédé à l’équipe Inteja et, depuis le début de la saison, je cours avec elle dans l’optique de me préparer pour la Guadeloupe. »

Argument appuyé par la Fédération de Cyclisme de République Dominicaine qui fait parvenir, sur demande de l’USL, un document officiel confirmant l’absence de licence Dominicaine du coureur. Document appuyé par la Fédération Espagnole de Cyclisme. Mais rien ne semble y faire, le comité aurait appuyé son refus par des captures d’écran d’article de presse mentionnant une licence Dominicaine de Diego Milan Jimenez.

D’un coup, l’affaire prend une dimension diplomatique puisque le président de la Fédération de cyclisme de la république dominicaine, Jorge Blas Diaz, se vexe qu’un document officiel signé de sa main se voit contesté par des articles de presse. Une humeur partagée par le coureur qui s’agace de ce qu’il considère désormais comme un manque de respect et une injustice à son égard.

« Cela fait 30 ans que je suis à vélo, 15 dans un cadre professionnel, j’ai couru dans de nombreux pays dans le monde, je connais les dispositions réglementaires qui encadrent mon sport. Tous les papiers sont en ordre, nous avons toujours procédé ainsi, je ne comprends pas ce qui bloque. »

L’origine du grief serait-elle personnelle ? Diego Milan Jimenez ne veut pas le croire, mais ne peut s’empêcher de se souvenir qu’un arriéré entre lui et le comité existe bel et bien.

« En 2021, le tour s’était déroulé en octobre. Or, nous (équipe Inteja MMR) n’avions pas été retenus pour l’option d’août qui n’avait finalement pas eu lieu. Toutefois, au dernier moment, le comité nous a contacté en nous demandant de venir parce qu’il manquait des équipes. À ce moment-là, mon père était malade, et il s’avère qu’il est décédé une semaine avant le Tour. Malgré tout, nous avons réuni une équipe compétitive, nous avons aussi réuni un budget pour venir participer au Tour et j’ai rejoint l’équipe plus tard en qualité de directeur sportif. En échange de ces efforts, nous demandions seulement d’être invités d’office pour l’édition de 2022. Le président Frédéric Théobald m’avait alors donné sa parole. Mais en 2022, nous n’avons pas eu de nouvelles et nous n’avons pas été invités. Pour moi, ce fût une immense déception. »

Les règles mentionnées par la FFC sont claires. Un coureur étranger ne peut pas solliciter une licence dans un pays où il ne réside pas. Toutefois, s’il veut vraiment participer aux courses de ce pays, cela peut passer par une attestation d’appartenance à un club à condition d’avoir une licence UCI en cours de validité. Jacques Albina, n’a de cesse de brandir ce point réglementaire pour faire avancer le dossier. Or, les réunions successives avec le comité ne semblent rien donner et les conditions du refus restent les mêmes, cette supposée licence en République Dominicaine.

Une recrue de poids pour aider Locatin

Si, malgré tout, l’USL continue de se battre, c’est parce que le club (certainement l’un des plus offensifs de la Guadeloupe) ne veut pas renoncer à l’apport tactique que représente une recrue aussi expérimentée que Diego Milan Jimenez. Et là où les étoiles s’alignent c’est que le coureur à lui aussi très envie de vivre une saison complète en Guadeloupe.

« Depuis ma 1ère participation au Tour de Guadeloupe en 2013, l’amour de cette île pour le cyclisme, l’ambiance du Tour de Guadeloupe, l’existence d’une communauté Dominicaine m’ont fait ressentir une connexion profonde et je m’étais promis, avant la retraite de venir faire une saison complète avec un club local. Je n’avais pas une préférence, j’avais déjà bien observé les différents clubs, la manière dont ils travaillent et quand l’USL m’a approché, nous avons assez rapidement trouvé un accord. »

Plus que les conditions économiques, le club a assuré au cycliste de belles conditions de vie. De son côté, Diego Milan veut apporter des victoires et peser de toute son expérience pour offrir au club, pourquoi pas, un Tour de Guadeloupe.

« J’ai envie d’apporter à cette équipe. Et je le fais avec d’autant de plaisir, que la manière de courir en Guadeloupe est passionnante. Rien n’est écrit d’avance. Avec un bon schéma stratégique, on peut renouer avec la victoire. Je suis dans une dynamique de partage avant tout. Cela ne veut pas dire que je ne suis pas en forme. Au contraire, je suis préparé, et j’aime toujours autant la victoire. Je ne suis pas un leader, mais pourquoi pas un bon capitaine de route pour quelqu’un comme Cédric Locatin. »

Tenter d’offrir à l’un des plus beaux espoirs de la Guadeloupe un Tour, dans un environnement qui devient de plus en plus compétitif, voilà la mission du plus espagnol des Dominicains. Si, et seulement si, le comité consent à valider son attestation d’appartenance.